Tiques
Les tiques sont des parasites présents dans le monde entier qui se nourrissent du sang de nombreux vertébrés. Elles jouent un rôle important dans la transmission d’un grand nombre de virus, de bactéries ou de parasites à l’homme et aux animaux.
Espèces de tiques
Dans le langage courant, on parle souvent de « tiques » sans les différencier. On connaît pourtant environ 900 espèces de tiques différentes dans le monde. Elles appartiennent à la sous-classe des acariens (Acari) de la classe des arachnides (Arachnida). Le sous-ordre des Ixodida (tiques) comprend trois familles: les Ixodidae avec 14 genres (tiques dures), les Argasidae avec quatre genres (tiques molles), et les Nuttalliellidae, représentés par une seule espèce. Les tiques dures, comme leur nom l’indique, portent un « écusson » dur en chitine (le scutum) sur le dos qui, selon le stade de développement, ne couvre qu’une partie ou la totalité du dos, alors que les tiques molles ont une peau semblable à du cuir sans scutum dorsal. En Europe et en Afrique du Nord, les genres les plus représentés sont Ixodes (25 espèces), suivi de Hyalomma (11 espèces), Haemaphysalis et Rhipicephalus (8 espèces chacun), Ornithodoros (7 espèces), Argas (6 espèces), et Dermacentor (2 espèces). L’espèce Ixodes ricinus est de loin l’espèce de tique la plus fréquente dans toute l’Europe centrale. En plus de Ixodes ricinus et d’autres Ixodes spp., Dermacentor reticulatus, Rhipicephalus sanguineus et Hyalomma marginatum sont des espèces de tiques importantes en Suisse, en raison de leur compétence vectorielle.
Le cycle de développement d'Ixodes ricinus
Le cycle de développement d’Ixodes ricinus passe par trois stades (larves issues des œufs, nymphes, et mâles ou femelles adultes). La condition la plus importante pour la mue et le passage au stade suivant est la prise d’un repas sanguin sur un animal hôte. A chaque stade, la tique se nourrit d’un hôte différent. Un stade de développement dure généralement un an, ce qui fait que le cycle de développement complet prend généralement trois ans. Toutefois, cette durée peut varier de deux à six ans, en fonction des conditions climatiques et de la situation géographique.
Ixodes ricinus est présent dans des habitats spécifiques d’Europe centrale et occidentale, dans lesquels des conditions macro et microclimatiques spécifiques sont alliées à la présence d’une combinaison et d’une densité appropriées d’animaux hôtes.
Les habitats primaires d’Ixodes ricinus se trouvent dans les zones rurales, dans les forêts de feuillus et mixtes, en lisière de forêt ou dans les jardins. Cependant, Ixodes ricinus est également présent dans les zones urbaines telles que les cimetières, les parcs, les piscines en plein air ou autres. Cette espèce de tique est présente dans une grande zone géographique allant du Portugal à la Russie et de l’Afrique du Nord à la Scandinavie.
Les conditions pour la présence d’Ixodes ricinus sont respectées en Suisse et dans les pays voisins jusqu’à une altitude d’environ 1’500 mètres. La fourchette de température optimale pour l’activité des tiques est de 14°C à 23°C, l’humidité relative de l’air doit alors être d’au moins 80%. Les tiques deviennent toutefois actives dès que la température moyenne au sol dépasse 7°C pendant 5 jours.
Le réchauffement climatique favorise l’augmentation de la population de tiques en prolongeant la saison d’activité des tiques et en favorisant la survie des hôtes en hiver.
L’activité des tiques varie dans leur habitat et peut présenter un schéma unimodal ou bimodal, la densité la plus élevée étant observée au printemps ou en automne. En général, Ixodes ricinus présente un schéma d’activité bimodal avec une activité plus élevée au printemps et en automne, mais cela peut varier d’une année à l’autre dans un habitat donné. En Suisse, la saison pendant laquelle les tiques sont particulièrement actives commence en mars et se termine en novembre, selon les conditions météorologiques. Le modèle des tiques montre la répartition géographique statique des zones où les tiques peuvent s’établir et survivre dans la nature.
Recherche d'hôtes et repas de sang
Lors de conditions climatiques favorables, les tiques se retrouvent sur la végétation proche du sol, jusqu’à environ un mètre (nymphes) ou un mètre et demi (adultes) à partir du sol, et s’y laissent généralement attraper par leurs hôtes. Pour s’orienter, les tiques utilisent l’organe de Haller, qui se trouve sur le tarse, le dernier segment de la première paire de pattes. Les récepteurs de l’organe de Haller permettent la perception de stimuli mécaniques (vibrations), chimiques (odeurs, dioxyde de carbone) et thermiques (chaleur corporelle). Outre l’organe de Haller, les tiques possèdent une série d’autres poils sensoriels situés sur les palpes, sur les côtés des pièces buccales et sur les deux paires de pattes antérieures.
Une fois l’hôte trouvé, la tique se met à la recherche d’un site approprié pour sucer le sang. Cette recherche peut durer plusieurs heures. Lors du repas sanguin qui s’ensuit, la tique libère à tour de rôle de la salive dans l’hématome qui se forme et absorbe du sang, des sucs tissulaires et du substrat cellulaire. La salive contient un grand nombre de protéines et de lipides anesthésiants, anticoagulants, solubilisant pour les tissus et immunomodulateurs, qui suppriment la capacité de l’hôte à repousser la tique. L’acte de sucer dure entre deux jours pour les larves et 13 jours pour les femelles. La tique peut alors absorber 100 à 200 fois son poids en sang.
Le détachement de l’hôte est un processus régulé qui est synchronisé avec le comportement de l’animal hôte. Cela permet aux tiques d’atteindre des habitats optimaux dans lesquels elles peuvent continuer à se développer et à se reproduire.
Compétence vectorielle
Environ 10 % des quelque 900 espèces de tiques connues à ce jour ont une importance pour la médecine humaine ou vétérinaire. Outre les conséquences directes de l’ingestion de sang et, dans certains cas, de la sécrétion de toxines dans la salive de la tique, la principale importance des tiques provient de la grande diversité d’agents pathogènes qu’elles peuvent transmettre, notamment des bactéries, des virus, des parasites unicellulaires (protozoaires) et des vers parasites (helminthes).
La compétence vectorielle, c’est-à-dire la capacité à transmettre un agent pathogène, dépend de différents facteurs. Ceux-ci influent notamment des traits tels que la préférence des tiques pour certains animaux hôtes, la durée du repas sanguin, les interactions entre la tique et l’agent pathogène ou entre le microbiome de la tique (ensemble des microbes colonisant la tique) et l’agent pathogène, ainsi que la susceptibilité de la tique à une infection par l’agent pathogène. En conséquence, différents agents pathogènes sont transmis par différentes espèces de tiques.
Importance des "nouvelles" espèces de tiques
Le genre Hyalomma est une tique tropicale que l’on trouve depuis quelque temps également en Europe centrale (par exemple pour la première fois en août 2018 en Allemagne) et qui est également présente en Suisse. Les habitats typiques des tiques Hyalomma sont les régions sèches et chaudes comme les déserts et les steppes, elle est donc présente dans les régions sèches et semi-arides d’Afrique, d’Asie et d’Europe. Les hivers de plus en plus doux ont permis à l’espèce Hyalomma marginatum de s’installer en Europe centrale et en Europe du Nord.
Contrairement à Ixodes ricinus, elle chasse activement et est bien plus grande (1 à 2 cm de long ; les femelles d’Ixodes ricinus mesurent environ 0,5 cm).
Les tiques Hyalomma adultes cherchent de grands animaux ou des humains comme hôtes. Elles peuvent transmettre les agents pathogènes du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo ou des Rickettsies.
Se protéger des tiques
Les mesures comportementales pour se protéger des tiques sont
- Évitez les hautes herbes et les sous-bois
- Portez des vêtements à manches longues qui ferment bien et des pantalons
- Optez pour des couleurs claires où les tiques seront plus visibles
- Après chaque promenade et activité en plein air, inspectez soigneusement votre corps à la recherche d’éventuelles tiques
Outre les mesures comportementales, des répulsifs peuvent être utilisés pour se protéger contre les piqûres de tiques. Une certaine efficacité contre les tiques a été démontrée pour les substances actives DEET, Icaridine et Citridiol, mais celle-ci ne dure généralement que quelques heures. Il existe en outre des produits d’imprégnation des textiles.
Liens
- https://www.zecken.de
- https://zecken-stich.ch/
- Modèle de tique de la Suisse
- Carte de tiques du « European Centre for Disease Prevention and Control » (Europe)
- Informations sur les tiques du « Centers for Disease Control and Prevention » (USA)
- Clé d’identification des tiques (USA)
- Clé d’identification des tiques (Europe)
Sources
- Agustín Estrada-Peña, Andrei Daniela Mihalca, Trevor N. Petney Editors. Ticks of Europe and North Africa – A Guide to Species Identification. Springer International Publishing AG 2017
- Gray, J.S. The development and seasonal activity of the tick Ixodes ricinus: a vector of Lyme borreliosis. Rev Med Entomol, 1991 79:p. 323-333
- Ehrmann, S., Liira, J., Gärtner, S. et al. Environmental drivers of Ixodes ricinus abundance in forest fragments of rural European landscapes. BMC Ecol 17, 31 (2017).
- De la Fuente J et.al. Tick-Pathgen Interactions and Vector Competence: Identification of Molecular Drivers for Tick-Borne Diseases. Front Cell Infect Microbiol. 2017 Apr 7;7:114.
- Dobler G. et al, The TBE Book, 4th Edition, Global Health Press 2021
- Pages F, Dautel H, Duvallet G, Kahl O, de Gentile L, Boulanger N. Tick repellents for human use: prevention of tick bites and tick-borne diseases. Vector Borne Zoonotic Dis. 2014 Feb;14(2):85-93.
- Epidemiologisches Bulletin Robert Koch Institut, Februar 2019/Nr. 7
- European Centre for Disease Prevention and Control; Ixodes ricinus – Factsheet for experts
- Office fédéral de la santé publique OFSP
- https://www.zecken.de
- https://zecken-stich.ch